II - Revenir _

Dans mon inconscient, durant mon enfance, sommeillait cette phrase, comme un défi d'une vie antérieure : - Je reviendrai - . De cette autre vie, il me semblait me souvenir que j'avais été médecin. Et, je me voyais partir dans un vieux train noir. La locomotive fonctionnait au charbon et envoyait des escarbilles à la fenêtre. Les banquettes étaient en bois. J'étais assise, en troisième classe, près de la porte, s'ouvrant à contre-sens de la marche, avec une grosse et dure poignée dorée. Mais, si je me souvenais d'un aller, je ne me souvenais pas d'un retour. Les trains me déclenchent encore des angoisses de mort. Ce souvenir n'est peut-être qu'une illusion, mais médecin, je le suis redevenu, envers et contre- tout. Le jour d'un examen déterminant, j'ai pu copier, incrédule et stupéfaite, en remontant à l'envers, de façon illogique et impossible, à partir de leurs résultats, tous les calculs et formules mathématiques. Ceci était bien au-delà de mes capacités très limitées, dans le domaine mathématique, comme si une voix intérieure et antérieure, me montrait le résultat et me dictait ce que je devais écrire sur ma copie, mais à partir du résultat inconnu à calculer... Je ressentais la présence et le soutien d'âmes bienveillantes qui m'entouraient et surveillaient. Je n'ai pas d'autres souvenirs conscients de vies antérieures. Mais, il m'arrive exceptionnellement, de me demander comment je peux faire instinctivement, certaines choses très loin de ce que je connais dans cette vie. J'ai parfois dû aller chercher dans des dictionnaires, la traduction et le sens de certains mots qui me venaient à l'esprit, car ils étaient dans une langue que je ne parlais pas, et pour un usage que j'ignorais... Cependant, je n'ai jamais ressenti cela comme une anomalie, car j'ai toujours perçu que je n'étais pas la seule à être dans ce cas. Et, j'avoue que j'ai aimé quand, au mépris de toutes lois de la pesanteur, je pouvais bricoler, à moitié perchée dans le vide, mais solidement soutenue..., et de pouvoir soulever de lourdes charges aidée, de l'autre côté de l'objet, par une force inconnue...et invisible... Cela ne se produit plus aujourd'hui, et je m'ennuie de mes amis invisibles et malicieux ! 4 4

III - Le chat __

Alors que j'étais en train de réfléchir à mes souvenirs et à l'utilité de les partager, un frôlement sur mon mollet m'a décidé à écrire, comme une bouteille jetée à la mer, dans une égalité d'espoir et de désespoir. Je ne suis pas prophète. Je n'ai ni le talent, ni l'inspiration des visionnaires ou des maîtres de notre science-fiction. Les quelques révélations cachées, tout en s'étalant, dans leurs oeuvres, leur permettent, peut-êre, de croire conjurer le sort, pour conserver intact, l'infini d'autres histoires du futur, à raconter. Le frôlement ressenti sur mon mollet était celui d'un chat. Un chat qui n'était pas dans notre réalité, surgi de je ne sais où, m'a caressé la jambe, pour avoir sa part des croquettes que je venais de servir à mon chat. Il était invisible ou trop rapide pour être perçu par mon sens de la vue. J'ai pensé avoir interprété une simple sensation cénesthésique. Mon chat était immobile, à plusieurs mètres de mon mollet quand j'ai vérifié, sauf à imaginer qu'il soit capable de réaliser une projection astrale de son propre corps. J'avais l'impression d'avoir un visiteur de passage que je n'arrivais pas à voir. Sans y repenser, un peu plus tard, j'ai ouvert la porte de la chambre où mon chat n'a pas le droit d'entrer. J'étais persuadée que ma crapule de chat avait encore réussi à se faufiler, en passant au ras de mes jambes, par la porte entre-ouverte. J'ai vu bouger le rideau de la grande penderie, derrière lequel il excellait à s'élancer, en douce, pour aller se cacher dans mes vêtements. Je me préparais à rattraper mon chat pour le sortir de la chambre, encombrée de bazar, quand j'ai tourné la tête : mon chat était resté sagement couché dans l'autre pièce de mon appartement. Sa tête était dressée comme un périscope, avec de grands écarquillés. J'en ai déduit que nous étions deux, à avoir ressenti le fantôme d'un chat qui ne s'est plus manifesté par la suite. Au moins, un chat câlin, même fantomatique, ne fait pas peur, cela surprend. Par précaution, je suis allée quand même vérifier derrière le rideau de la chambre où il avait disparu. C'était illogique, tout mon appartement était fermé, situé en étage, et il n'aurait pu venir de nulle part, mais, je ne voulais pas prendre le risque d'enfermer un animal dans cette chambre où j'entrais rarement. J'ai bien cherché, il n'y avait rien. Je n'ai pas compris, sauf que peu avant, j'avais emmené mon chat chez le vétérinaire, et peut-être, ramené, dans sa cage, un invité invisible et de passage.





Ma version préférée de cet épisode est l'espoir d'un chat visiteur du temps ou de l'espace. Les autres versions me semblent plus tristes, tournant autour d'une âme qui transite ou revient après la mort, ou de l'illusion témoignant de mon imagination maladivement trop fertile. Cependant, je suis perplexe. J'ignorais qu'un de mes enfants avait ramené, dans un sac que je n'avais pas vu, les boites de nourriture, d'un autre chat de la famille, mort récemment, sans que je le sache. Je n'ai découvert ces boites que par la suite. J'ai eu l'impression que l'âme suivait ce qui avait eu de l'importance durant sa vie, avant que son énergie ne s'évanouisse telle une bulle de savon qui éclate et s'éparpille pour disparaître. J'en ai ressenti de la tristesse et le vide de l'absence.





IV - Résurrection __

Chacun dans sa vie, a rencontré l'inexpliqué, concernant, le plus souvent, les limites de nos cinq sens, de notre intellect, et le débordement de nos fantasmes. Dans ce domaine, je me souviens d'une expérience que je ne peux que nommer résurrection, bien que selon moi, il est probable que la barrière de la mort n'ait pas été totalement franchie. Cela me rassurerait ! Nous étions plus d'une dizaine de témoins devant cet évènement. Je travaillais dans un petit hôpital. Une dame très âgée, au coeur usé, était sur le point de mourir. Ses poumons étaient noyés par l'oedème, elle n'était plus consciente, elle gaspait. Le professionnalisme de toute l'équipe soignante a fait que le protocole standard de réanimation a, quand même, été appliqué, à cette dame, en vain, évidemment. Le réflexe cornéen n'existait plus, elle ne respirait plus, le coeur avait cessé de battre. Nous avions mis le paravent autour de son lit, pour l'isoler des autres patients de la salle commune de l'hôpital, et nous avions fait appeler la famille. Nous étions prêts à signer le certificat de décès. C'est là que s'est produit quelque chose d'anormal qui nous a dépassé. Dans l'équipe, une seule personne était, à la fois, croyante et pratiquante, précisément celle qui avouera, rapidement, son sentiment de culpabilité d'avoir lésiné sur les doses de produits injectés, de peur de tuer une morte ! Quant aux autres personnes, plus aguerries aux fins de vie, elles étaient, me semble-t-il, très stables, psychiquement solides et pragmatiques. L'évènement se produisit à l'arrivée d'une toute jeune fille qui hurlait du fond du petit couloir de l'hôpital : - maman -, - maman -... Nous étions déjà interloqués et choqués, d'entendre ce cri illogique et poignant d'enfant, s'adressant à cette très vieille dame, pour nous, déjà morte. Cette grand-mère avait élevé sa petite fille qui la considérait comme sa mère. Elle était sa seule famille.





Mais, ce qui fut extraordinaire, c'est que la vieille dame entendit le cri, dans son dernier souffle. Elle se remit à respirer, son coeur se remit à battre, elle reprit conscience sur le champ, et miraculeusement et instantanément, elle se redressa, assise et guérie sur son lit de mort, pour accueillir sa petite fille qui avait couru en hurlant dans le couloir. La vieille dame fut installée dans une chambre particulière, pour quelques heures de récupération. Elle prit un repas, parla avec sa petite fille. Toute l'équipe restait silencieuse. Chacun entrait dans sa cham:bre, sur la pointe des pieds, avec délicatesse. Nous osions à peine lui adresser la parole. Nous étions sidérés. Nous n'avons jamais commenté, ensemble, cet évènement. La vieille dame nous expliqua qu'elle attendrait pour mourir que sa petite fille soit mariée. Dieu le lui avait permis. Et, elle sortit de l'hôpital, très vite, sans que nous la retenions, pour rentrer chez : nous étions dépassés. Elle était croyante, sûre d'elle et de sa foi, mais sans fanatisme, ni prosélytisme. Elle rayonnait de douceur, de bonté et de simplicité. Il y avait comme une aura protectrice et sacrée autour d'elle. Elle nous souriait. Il n'y a jamais eu aucun doute, pour nous, que nous avions assisté à un miracle. Cette vieille dame était vraiment revenue de l'autre côté, rallumant en elle, ce qui avait dû être la dernière petite étincelle de vie dans son corps. Elle avait entendu au hurlement de sa fille, véritable électrochoc dans une zone inconnue de nous, qu'elle n'avait pas encore, tout à fait terminé sa mission dans ce monde et son devoir de vie. Il n'était pas du tout logique, ni qu'elle soit ressuccité, ni même qu'elle soit vivante avec un coeur qui ne fonctionnait plus, ni qu'elle se porte bien, du moins provisoirement ! Chacun en pensera ce qu'il veut, nous, nous étions là et nous avons vu.





Quelque chose ou quelqu'un avait accordé à son âme, dans son dernier souffle de vie terrestre, le droit de décider le moment de mourir. Et, cette femme semblait savoir où elle allait. Elle nous a montré une porte pleine de lumière vers l'au-delà, et prouvé que le chemin existait. Elle nous a inspiré un tel respect qu'aucun d'entre nous, ne lui a posé de questions. C'était un fait, à nous de l'examiner et d'en tirer notre propre opinion et décisions personnelles. Nous n'étions plus dans le domaine de la foi, mais dans celui de l'évidence de l'infinie puissance de l'amour. Nous avons senti qu'elle faisait partie des élues et avait sa place dans une autre dimension, bien réelle pour elle. Mais qu'en est-il pour nous ?